Ad augusta per angusta (Un touriste au Palais Royal)
Conseil d'Etat, jeudi 8 décembre 2005, 10h25.
Mais où est l'Intérieur ? c'est vous ? Allons bon, j'ai perdu l'Intérieur ! Mais alors hum vous êtes qui, là, vous ? La Justice ? Bon, tant mieux... Je vais aller voir si je trouve pas Rolin...
Sourire avenant plateforme d options binaires, mais mains prudemment crispées sur son porte-document et son stylo, celle qui officiera comme secrétaire de séance est pour l'instant très occuppée (pour ne pas dire débordée) par la petite trentaine de personnes qui patiente dans le vestibule d'entrée du Palais-Royal. Car il faut s'assurer que les toutes les parties sont bien là avant de lancer ce petit troupeau indiscipliné à travers les couloirs tortueux du Conseil d'Etat jusqu'à la salle d'audience.
Deux jeunes trentenaires aux allures de bobo parisiens arborent un air blasé en parcourant le Canard enchaîné de la veille, on discute "rendez-vous", "contacts avec le collectif", "jugement du Conseil d'Etat". Pas de doute, c'est la presse.
Du côté des requérants, le professeur Rolin, silouhette haute et figure pincée, se détache. Les cheveux mi-longs virevoltants, il se meut doucement au milieu d'un groupe d'étudiants et de jeunes collègues qui forme autour de lui un sympathique petit cercle d'où l'on perçoit bruissements d'encouragements et termes chantants du droit des libertés publiques.
Mais ils auraient tort de se réjouir trop vite, nos jeunes amis, car voici s'avancer les redoutables (et capillairemet tout de suite plus dégarnis) serviteurs de l'Etat, dépéchés en nombre par l'administration. Pour l'Intérieur, Stéphane Fratacci, ("directeur des libertés publiques et des affaires juridiques", bref grosse pointure), il était donc bien arrivé, mais il se cachait, le fourbe ! Il est épaulé d'un fort peu riant représentant de la Chancellerie (le Ministère de la Justice), et d'un encore moins amène misi dominici du Secrétariat Général du gouvernement.
Montons les degrés grand escalier (oh un sapin qui clignote), traversons la salle des Conflits (très émouvant, <troll>quand je pense que Jacques Toubon s'est assis dans un de ces sièges</troll>), et nous voilà arrivés dans la salle bleu-blanc-or de la Section des Finances. Très cosy.
Grosses lunette carrées, le Président binaire Genevois arrive (tiens, on ne se lève pas pour accueillir le juge administratif), l'audience publique réunie par le juge des référés pour que les parties puissent débattre oralement de leurs arguments peut commencer.
Le juge administratif ordonnera-t-il lui même la suspension de l’état d’urgence ? Enjoindra-t-il au Président de la République de le faire ? Le professeur Rolin proposera-t-il au représentant du Ministre de l'Intérieur de vider une fois pour toutes leur légère divergence de vue dans un combat singulier ("catch, boue et cotons-tiges géants") ?
Mystèeeeeeeere...
(...)